C’était une de ces journées d’hiver où le soleil semble éclairer tristement la campagne grisâtre, comme s’il regardait en pitié la terre qu’il a cessé de réchauffer. Ellénore me proposa de sortir. «Il fait bien froid, lui dis-je. — N’importe, je voudrais me promener avec vous.» Elle prit mon bras; nous marchâmes longtemps sans rien dire; elle avançait avec peine, et se penchait sur moi presque tout entière. «Arrêtons-nous un instant. — Non, me répondit-elle, j’ai du plaisir à me sentir encore soutenue par vous.» Nous retombâmes dans le silence. Le ciel était serein; mais les arbres étaient sans feuilles; aucun souffle n’agitait l’air, aucun oiseau ne le traversait: tout était immobile, et le seul bruit qui se fît entendre était celui de l’herbe glacée qui se brisait sous nos pas. «Comme tout est calme, me dit Ellénore; comme la nature se résigne! Le coeur aussi ne doit-il pas apprendre à se résigner?» Elle s’assit sur une pierre; tout à coup elle se mit à genoux, et, baissant la tête, elle l’appuya sur ses deux mains. J’entendis quelques mots prononces à voix basse. Je m’aperçus qu’elle priait. Se relevant enfin: «Rentrons, dit-elle, le froid m’a saisie. J’ai peur de me trouver mal. Ne me dites rien; je ne suis pas en état de vous entendre.»